Notre enquête sur Odette Laguerre

Le déclencheur

Notre aventure avec Odette Laguerre commence début 2022, à la lecture du livre de Bibia Pavard, Florence Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel : Ne nous libérez pas, on s’en charge, Une histoire des féminismes de 1789 à nos jours. Nous l’avions emprunté à la médiathèque de Belley (où il est toujours disponible!)

livre

"Odette Laguerre (1860-1956), collaboratrice à la Fronde [journal féministe national], active à Lyon et dans l'Ain, résume cette nouvelle quête comme celle d'une femme qui a choisi. Elle a voulu être autre chose, être soi, conquérir une existence personnelle, compter pour une unité humaine et non plus seulement pour une fraction ou un zéro."

Dans l’Ain ? Une féministe de l’Ain dont je n’ai jamais entendu parler qui écrivait pour un journal féministe national ?

Première étape

Nous faisons des recherches sur Internet. Nous ne trouvons rien. La page Wikipedia apparue depuis n’existait pas encore. Rien, à part un article paru en 2003 dans Chroniques bressanes (?) Une féministe bugiste à la Belle époque, signé par Andrée Laffay et André Abbiateci.

Où nous apprenons qu’Odette Laguerre a bien habité dans l’Ain, et même en Bugey-Sud (à Ceyrvérieu et à Don), là où notre association est basée. Et nous n’en avions jamais entendu parler.

Nous prenons contact avec André Abbiateci, qui nous confie ses archives (merci!). Nous nous lançons dans leur lecture.

Nous commençons à parler de notre recherche. Nous interrogeons ABIS et la Société Savante. Nous posons la question lors d’une réunion des acteurs culturels de Bugey-Sud.

Deuxième étape

Nous profitons des Journées du matrimoine pour proposer une rencontre dans un café d’Artemare, chez Madame Karen, en septembre 2023.

Surprises ! une des personnes présentes habite dans l’ancienne usine de peigne. D’autres ont connu sa fille Hélène ou ses petits enfants, comme Jacqueline. Des femmes à gauche et de caractère. D’autres encore ont des lectures à conseiller : Le petit train du Valromey de Hélène et Paul Percevaux et les mémoires de Yvette Raymond, petite fille de Odette Laguerre, dans Souvenirs in extremis (ces deux livres sont aussi présents à la médiathèque de Belley).

On lit des écarts entre l’article de Louis Reynaud et les souvenirs de Yvette Raymond. Le premier attribue une place à Maxime Laguerre dans le développement des idées politiques de sa femme, dans ses choix de vie ou dans la tenue de l’usine, peu visibles dans les souvenirs de sa petite fille.

Troisième étape

Nous continuons à chercher des archives.

Nous sommes allées consulter, aux archives de la Métropole de Lyon et du département du Rhône, les deux dossiers relatifs à la Société d’éducation et d’action féministes (4M532 pour les associations de 1900 à 1940) et 4M632 (pour les associations diverses, cercles et clubs de 1892 à 1928).

La Société était basée rue de Tunisie qui a entre temps été rebaptisé rue Major Martin et son nom initial n’a été redécouvert qu’en 2016, par hasard. Envoyez nous une photo du numéro 7 si vous passez par là!

Autre surprise!

Nous avons été contactées par Madame Berrak Burçak,  professeur à l’université d’Ankara qui fait des recherches sur l’écrivain et éditeur ottoman Baha Tevfik. Ce dernier a traduit et publié Qu’est ce que le Féminisme en 1912?

Comment a-t-il bien pu tomber sur ce texte d’Odette Laguerre? Nous avons peut être trouvé une piste dans les archives du département : un certain Henri Iodka, professeur à l’université de Salonique (dans ce qui était à l’époque l’empire Ottoman) est venu à Lyon donner une conférence sur « la femme turque » à l’invitation de la Société.

Nous sommes aussi contactées par Nina Burattin, chercheuse en histoire du droit qui a croisé la route d’Odette Laguerre à partir de celle de Nelly Roussel et par une journaliste de la Tribune de Lyon qui veut faire un article sur elle. 

Les pistes que nous aimerions continuer d’approfondir :

  • le pacifisme, la Ligue des mères et éducatrices pour la Paix, la revue Peuples Unis
  • l’éducation populaire.

C’est d’autant plus motivant que des traces apparaissent petit-à-petit sur Odette Laguerre sur Internet!

C'est reparti !

 On est allées chercher le soutien de la Métropole de Lyon et de Bugey-Sud pour continuer nos recherches. 

La Métropole de Lyon nous soutient, pas Bugey-Sud. Dommage! 

On a repris nos recherches tout au long de 2025 : on a trouvé des descendant-es, on a découvert un super site d’archives des bibliothèques de Paris ; Claire a passé une journée à la bibliothèque Marguerite Durand, aussi à Paris et a épluché une grande partie de sa correspondance avec Nelly Roussel et Mireille Godet, la fille de Nelly Roussel ; on a visité l’usine de peigne et l’usine de transformation de la corne ; on a épluché le site Internet de la Bibliothèque nationale de France ; on a commandé une brochure publiée par Odette Laguerre et republiée en 2014 et on rencontre plein de nouvelles personnes ! 

On a mis notre site Internet à jour, sur la vie d’Odette Laguerre et ses idées. On en a créé une quatrième : c’est un quiz pour tester vos connaissances sur les avancées sociales pour lesquelles elle militait

On continue à découvrir de nouvelles sources (comme ce blog en espagnol).

On a aussi plaisir à voir que les pages de notre site en ont inspiré d’autres (cf article du blog Arsenic et Vieilles dentelles ou la page Wikipedia en anglais, plus fournie d’ailleurs que celle en français) ou une artiste de la Compagnie La Maison basée à Lyon qui a créé une conférence sur l’amitié entre Nelly Roussel et Odette Laguerre.

Prochaine étape?

  • Continuer les recherches et essayer de trouver ses Mémoires (elles auraient été publiées en 1989 selon Brigitte Broca, une descendante d’Odette Laguerre, par Patrick Dusoulier)
  • Créer un documentaire sonore pour faire connaitre Odette Laguerre
  • Demander aux mairies d’Artemare ou de Belmont une marque de reconnaissance de sa vie (plaque, nom de rue…) ?

Pourquoi Odette Laguerre a-t-elle été invisibilisée?

C’est une question que nous avons posé aux chercheuses avec qui nous nous sommes entretenues. 

Leurs réponses : 

  • c’est une femme et les femmes ont laissé moins de publications (difficultés à se faire publier, modestie qui freine l’écriture d’autobiographie alors que l’histoire comme discipline donne plus d’importance aux publications plutôt qu’à la correspondance), plafond de verre, ombre des époux)
  • c’est une femme qui a passé une partie de sa vie loin de Paris et qui a pu en garder un sentiment d’illégitimité (« je ne suis pas un écrivain mais seulement une propagandiste, et […] vivant à la campagne, je n’ai pas à être femme du monde mais souvent ménagère ». 
  • c’est une mère et elle peut-être considérée comme une mauvaise mère au vu de ses activités politiques et économiques. 

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