Summary
entre-autres fête ses dix ans. Pour l'occasion, nous avons retracé le chemin parcouru par l'association. Voici le petit discours lu par Claire le jour de la fête.
Il y a onze ans, Charlotte et moi produisions une « note conceptuelle » pour clarifier les idées que nous souhaitions voir incarnées dans entre-autres.
En préambule de cette note conceptuelle, une citation de Franz Fanon tirée de la conclusion de Peau Noire, Masques Blancs :
« C’est par un effort de reprise sur soi et de dépouillement, c’est par une tension permanente de leur liberté que les hommes peuvent créer les conditions d’existence idéales d’un monde humain. Supériorité ? Infériorité ? Pourquoi tout simplement ne pas essayer de toucher l’autre, de sentir l’autre, de me révéler l’autre ? Ma liberté ne m’est-elle donc pas donnée pour édifier un monde du Toi ? »
Le ton est donné ! En 2014, nous déclarions « Entre-Autres est une invitation aux rencontres. L’association propose de faciliter des échanges d’expériences, de mémoires et d’imaginaires mais aussi de pratiques collectives. Le fil rouge d’Entre-Autres est la question suivante : comment est-ce que je vis, comprends, imagine et agis le monde avec toi? »
Nos débuts
Notre finalité n’était rien de moins que le Tout-Monde d’Édouard Glissant ! Encore un penseur (et poète) de la Caraïbe pour nous ouvrir la voie. Nous rappelions, dans notre note conceptuelle, que « le Tout Monde, est défini par Glissant comme « un lieu de Rhizome et de Relation et d’échanges, une plateforme où se rencontrent les imaginaires et les écritures du monde, un espace où se dit la créolisation, un observatoire des pas imprévisibles de la mondialité, de ses accidents, ses incidences multiples et inattendues des métamorphoses du vivant et des utopies des humanités contemporaines ».
Nous avons fait circuler cette note conceptuelle pour avoir des avis.
Sans surprise, on nous a rétorqué que cette note conceptuelle était…. Conceptuelle, abstraite, jargonneuse ou philosophique (mais aussi, quand même, enthousiasmante et nécessaire).
Depuis dix années, nous tentons de faire vivre la Relation et d’incarner ce Tout-Monde… et ce avec plus ou moins de réussite, avec comme enjeu de maintenir une activité économique, avec des envies de faire collectif en se situant à l’échelle locale tout en pensant à l’échelle monde.
Nos expériences
du travail
Nous avons travaillé avec des enfants en milieu scolaire, avec des étudiant·es en formation initiale et en formation continue, avec des habitant·es à Chassieu, dans des groupes de parole sur les questions de langues à Vénissieux, avec des centres sociaux dans toute la région, avec des associations dans toute la France.
Nous avons écrit trois livres et trois articles dans des publications très officielles. Nos rencontres ont, entre autre, produit le musée éphémère de Bugey-Monde ; une conférence gesticulée collective sur la mort ; un rassemblement contre les violences faites aux femmes devant la mairie de Belley ; des soirées poésie à l’Arrosoir et à AquasCalientes ; un concert de musique Chaâbi dans la cour du Palais Épiscopal de Belley ; des balades contées dans un cimetière ; plusieurs évènements dans le cadre des journées du Matrimoine ; des soirées-lecture de programmes électoraux, la création d’un groupe de chants révolutionnaires… et j’oublie beaucoup de choses. Nous avons travaillé avec des chercheurs, des artistes, nous avons multiplié les points de vue et croisé les regards.
des recherches
Ensemble, nous sommes allées à Cluny, dans le Morvan, à Sète, dans l’Aveyron et à la Ferme de Chalonne. Nous avons mené des recherches :
- une étude sur la place de l’éthique dans la prise en charge de Zika pour l’OMS ;
- une étude sur les jeunes de l’Ain et la mobilité internationale pour le département ;
- une étude en psychosocio de Fanny Miranda-Correia sur les représentations des habitants de Belley sur la migration, les étrangers et l’autre,
- Une étude en philosophie de Marie-Anne Chaize sur l’éducation populaire et les migrations internationales sur le territoire de BugeySud,
- Une étude de Nadia Sebihi intitulée « des acteurs de la société civile face au défi de l’interculturalisation »,
- une étude en sociologie sur les Assyro-Chaldéens de Sarcelles.
des réseaux
Nous avons été impliquées, stimulées et encouragées dans le Collectif pour une Politique de la Relation, dans Traces, le Réseau REPAS et bien sur dans le Réseau des Crefad. Nous avons participé à la Fête des Solidarités, au mois de l’ESS, aux Journées de la Transition, au festival Pas de Coté, à Dialogues en Humanité.
pour le coté pratique
Depuis dix ans donc, nous expérimentons des formats, nous élaborons des formations, nous proposons des accompagnements. Nous avons crée deux sites internet, nous avons eu deux logos, deux logiciels de compta, nous avons réalisé deux petits clips vidéos qui présentent nos actions.
pour le coté humain
En dix ans, nous avons été deux salariées : Charlotte et moi, puis trois en 2021 avec Jeanne, puis de nouveau deux quand Jeanne est partie finir sa thèse, puis trois à partir de 2023 avec Joaquim, et quatre avec Marie-Hélène depuis octobre 2024.
Nous avons été accompagnées et soutenues par des membres du CA : Elodie Berland, Anne-Cécile Besson, Céline Girod, Elisa Boutin, Nadia Sebihi, Marie-Laurence Moyret. Deux anciennes membres du CA sont présentes aujourd’hui Yolanda Mpelé et Benjamin Ichou. Aujourd’hui, notre CA est constitué de Nicole Christianne et Dominique Delas. Et depuis l’AG constitutive, nous cheminons et grandissons avec Catherine Le Potier.
En dix ans, entre-autres a perdu quatre adhérent·es et ami·es. Une pensée chaleureuse pour Fabrice Chiambretto, Évelyne Mangangu, France Pernollet et Ghislaine Rémondat. En dix ans, nous avons tissé des liens. Des liens se sont distendus et de nouveaux liens se sont crées.
Notre finalité
Depuis dix ans, nous tâtonnons, nous espérons, nous doutons, nous expérimentons, nous sommes tour à tour découragé·es et enjoué·es. Depuis dix ans, nous tentons de façonner le monde dans lequel nous désirons vivre. Un monde insaisissable, pour lequel nous n’exigeons rien de moins que l’égalité en droit et en dignité de chacun·e. Un monde dans lequel nos intranquillités nous pousseraient à reconnaître nos interdépendances. Un monde dans lequel ma liberté ne m’est donnée que pour édifier un monde du Toi.